Les retraites complémentaires Agirc-Arrco: Fonctionnement.


Aujourd’hui, nous abordons un sujet essentiel : les retraites complémentaires en France. Ce thème, souvent méconnu, mérite d’être clarifié, surtout pour ceux qui découvrent le fonctionnement du système de retraite français. Après avoir exploré les bases de la sécurité sociale et de la retraite par répartition, il est temps de se pencher sur les retraites complémentaires, un pilier important du système actuel.

Les retraites, on le sait, sont un sujet sensible, souvent source de débats animés. Avec le temps, les discussions autour de ce thème se sont complexifiées, rendant difficile l’évocation de certaines questions sans susciter des réactions passionnées. Mais revenons à l’essentiel.

Les retraites complémentaires : un peu d’histoire

Jusqu’en 1941, le système de retraite en France reposait principalement sur la capitalisation, et non sur la répartition. Concrètement, il existait deux niveaux : un premier niveau pour les petits salaires et les revenus modestes, et un second pour les salariés bénéficiant de retraites par capitalisation professionnelle obligatoire.

Chaque branche professionnelle disposait de son propre système de retraite. Par exemple, des secteurs comme la SNCF, la RATP ou encore l’assurance avaient leurs propres fonds de retraite. Ces systèmes, souvent solides, permettaient aux salariés de ces branches de cotiser pour leur future retraite.

En 1941, sous le régime de Vichy, la France a opéré un virage majeur en instaurant un système de retraite par répartition. Ce changement a nécessité des ajustements financiers importants. Les premiers bénéficiaires de ce nouveau système n’avaient pas cotisé pour leur propre retraite. En quelque sorte, ils ont profité d’un « repas gratuit ». Pour financer ces premières années, Vichy a nationalisé les fonds de pension constitués par les différentes branches professionnelles. Contrairement à une idée reçue, ces fonds n’étaient pas en difficulté. Ils étaient même florissants. Cependant, Vichy a choisi de les récupérer pour soutenir le nouveau système de répartition.

La création de la Caisse nationale d’assurance vieillesse

La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) a été créée en 1941 par une loi datant du 7 ou 8 mars. Pourtant, dès 1943, le système a montré des signes de déficit, et en 1944, il a fallu augmenter les cotisations. Le gouvernement provisoire de la République française, dans ses premières décisions d’octobre 1944, a entériné ces hausses de cotisations prévues sous Vichy. Ainsi, on observe une certaine continuité entre les mesures prises sous Vichy et celles mises en œuvre après la Libération.

Le rôle du CNR et des communistes

Contrairement à une croyance répandue, le Conseil national de la Résistance (CNR) n’a pas inventé la sécurité sociale. Son action principale a été de limiter l’accès à la sécurité sociale aux salariés les plus modestes. Les régimes spéciaux, comme ceux de la SNCF, de la RATP ou encore d’EDF-GDF, ont été maintenus.

Ces régimes, créés dans les années 1930, concernaient des professions où la CGT était majoritaire. Les communistes, plutôt que de les supprimer, ont choisi de les préserver. Il est donc inexact de penser que la sécurité sociale, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est une invention du CNR. En réalité, le CNR a surtout créé une branche maladie, là où il n’y en avait pas auparavant. En matière de retraite, il a simplement perpétué le système existant, après que Vichy eut nationalisé les fonds de retraite des branches professionnelles.

À partir de 1946, un constat s’impose : le système de sécurité sociale montre ses limites. Les retraites versées sont d’un niveau très bas, plafonnées à un seuil appelé le plafond de la sécurité sociale. Ce plafond signifie que les retraites du régime général ne couvrent qu’une partie des revenus, excluant notamment les cadres, dont les salaires dépassent souvent ce plafond. Ainsi, sur la portion de revenu supérieure à ce plafond, les cadres ne cotisent pas et ne bénéficient d’aucune couverture retraite. Cette situation révèle les lacunes du système mis en place.

Par ailleurs, certains regrettent le système des années 1930, jugé plus efficace. La suppression de ce système au profit d’un modèle inspiré de l’Allemagne bismarckienne est portée par les hauts fonctionnaires du Conseil d’État, qui utilisent le régime de Vichy pour impulser cette transformation. Ce projet, motivé par des considérations idéologiques, vise à remplacer l’ancien système par un modèle centralisé, calqué sur celui de l’Allemagne.

La renaissance des retraites complémentaires

Face à ces insuffisances, les retraites complémentaires renaissent à partir de 1945, pour deux raisons principales. D’une part, les cadres, bien que moins nombreux à l’époque, sont les grands perdants du nouveau système. Leur exclusion du régime général les pousse à chercher des solutions pour compléter leurs futures retraites.

D’autre part, le niveau des retraites est globalement trop faible. Rappelons qu’avant 1941, les retraites par capitalisation étaient accessibles dès 60 ans. Sous Vichy, l’âge de départ a été repoussé à 65 ans, soit à peu près l’espérance de vie de l’époque, tout en offrant des pensions très modestes. Il fallait donc améliorer ce système.

Dès 1947, les cadres, nostalgiques du système des années 1930, créent l’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres). Cette association a pour objectif de mettre en place une retraite complémentaire pour les cadres, couvrant la portion de revenu supérieure au plafond de la sécurité sociale.

L’AGIRC fonctionne sur un système de retraite par points, un modèle hybride entre la capitalisation et la répartition. Concrètement, les cotisations accumulées tout au long de la carrière permettent d’acquérir des points, qui déterminent ensuite le montant de la retraite. Bien que ce système repose sur la répartition (les cotisations des actifs financent les pensions des retraités), il intègre une logique de calcul proche de la capitalisation.

Ce modèle de retraite par points a d’ailleurs inspiré des réformes récentes. Sous son premier mandat, Emmanuel Macron a envisagé de généraliser ce système, s’inspirant également de l’expérience suédoise, mise en place une quinzaine d’années plus tôt, non sans difficultés.

L’extension aux non-cadres : l’ARRCO

Au début des années 1960, un système similaire est créé pour les non-cadres (ouvriers, employés) : l’ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés). Comme l’AGIRC, l’ARRCO fonctionne sur un système de points, permettant aux salariés de compléter leur retraite de base, souvent insuffisante.

Les cotisations versées tout au long de la carrière servent à financer les pensions des retraités actuels, tout en accumulant des droits pour l’avenir. Ainsi, l’ARRCO et l’AGIRC reposent sur le même principe : une répartition avec une logique de calcul individualisée.

Une particularité de ces régimes complémentaires est qu’ils ont longtemps été gérés par les partenaires sociaux (syndicats et employeurs), sans intervention directe de l’État. Cette gestion autonome a permis une certaine flexibilité, mais aussi des défis, notamment en termes de pérennité financière.

Le système de retraite complémentaire en France a longtemps été géré de manière paritaire, c’est-à-dire par les partenaires sociaux (syndicats et employeurs). Cette gestion a démontré que les acteurs sociaux étaient capables de gérer efficacement des sommes importantes, tout en assurant une certaine stabilité.

Une autre particularité de l’AGIRC et de l’ARRCO est qu’elles ont également servi de cadre à des systèmes de prévoyance. Ces systèmes permettent d’indemniser les salariés confrontés à des accidents de la vie, comme une invalidité ou une incapacité de travail. Ainsi, en plus de leur rôle dans les retraites, ces institutions ont joué un rôle clé dans la protection sociale des travailleurs.

Cependant, il est de notoriété publique que ces systèmes de prévoyance ont aussi été utilisés pour financer des activités syndicales. Les organisations syndicales ont parfois profité de ces fonds pour organiser des congrès, financer des emplois ou d’autres projets. Bien que cela ait fait l’objet de critiques, cela n’enlève rien à l’importance de ces institutions dans la protection des salariés.

L’importance des retraites complémentaires en France

En France, les retraites complémentaires ont rapidement répondu à un besoin essentiel : compléter les pensions de base, souvent insuffisantes. Beaucoup se demandent pourquoi ces retraites complémentaires existent et comment elles fonctionnent. En réalité, elles couvrent les revenus jusqu’à huit fois le plafond de la sécurité sociale.

Par exemple, si le plafond de la sécurité sociale est d’environ 3 400 euros, les salaires supérieurs à ce montant, jusqu’à 25 000 euros, sont couverts par une retraite complémentaire obligatoire. Cela signifie que même les hauts revenus sont inclus dans le système de répartition, contrairement à ce que certains pourraient croire.

Ce système de répartition est global : il vise à couvrir l’ensemble des revenus, évitant ainsi que le marché de la capitalisation ne prenne le dessus. Contrairement à l’Allemagne, qui a introduit des éléments de capitalisation au début des années 2000, la France a maintenu un système principalement basé sur la répartition.

Cependant, il existe aussi des systèmes de retraite surcomplémentaire par capitalisation, qui s’ajoutent aux retraites de base et complémentaires. Ces systèmes, bien que moins répandus, offrent une liberté supplémentaire aux individus.

Les systèmes de retraite surcomplémentaire

En France, il existe deux grands systèmes de retraite surcomplémentaire par capitalisation. Le premier est le plan épargne retraite (PER), qui peut être individuel ou collectif. Dans le cadre d’un PER collectif, une entreprise peut décider de mettre en place un fonds de retraite pour ses salariés, avec des contributions à la fois des employés et de l’employeur.

Ce système, souvent associé à l’épargne salariale, permet aux salariés de constituer un capital pour leur retraite. À titre individuel, il est également possible d’ouvrir un PER pour se constituer une rente supplémentaire.

Le deuxième système, bien plus important et souvent méconnu, est l’assurance-vie. Bien qu’elle ne soit pas officiellement conçue comme un outil de retraite, l’assurance-vie fonctionne de facto comme un système d’épargne retraite. Elle représente un volume considérable, équivalent à une année de produit intérieur brut (PIB) français. Grâce à ses avantages fiscaux, notamment pour les capitaux bloqués sur plusieurs années, l’assurance-vie est devenue le système de retraite surcomplémentaire préféré des Français.

Le système de retraite en France repose donc sur trois piliers : la retraite de base, la retraite complémentaire (obligatoire et par répartition), et la retraite surcomplémentaire (libre et par capitalisation). Ces systèmes, bien que complexes, offrent une couverture large et flexible, adaptée aux différents niveaux de revenus et aux besoins des travailleurs. L’assurance-vie, en particulier, joue un rôle clé dans l’épargne retraite, même si elle n’est pas officiellement désignée comme telle.

Bien Comprendre La Retraite Complémentaire

En réalité, ce qu’il faut comprendre, c’est que gérer la retraite des salariés qui gagnent 2 000 ou 3 000 euros par mois n’est pas rentable pour les grands fonds d’investissement. Ces opérations impliquent une gestion technique complexe : collecte des cotisations, décaissement des pensions, suivi des dossiers, etc.

Tout cela nécessite des ressources humaines et logistiques importantes. Or, lorsque les sommes en jeu sont modestes, les grands fonds internationaux ne s’y intéressent pas. Ce qui les attire, ce sont les gros montants : peu d’opérations pour beaucoup d’argent.

Par exemple, un épargnant qui place 3 millions d’euros sur un compte d’assurance-vie est bien plus rentable pour eux qu’un épargnant qui n’en place que 10 000 euros. La gestion d’un compte, qu’il soit petit ou grand, demande du travail, mais la rentabilité est bien plus élevée sur les gros montants.

Ainsi, contrairement à certaines idées reçues, les grands fonds d’investissement ne s’intéressent pas aux petits épargnants. Gérer de l’épargne de moins de 100 000 euros n’est pas attractif pour eux. Ce qui les intéresse, ce sont les placements à partir de 500 000 ou 600 000 euros, voire plus. Certaines banques, notamment au Luxembourg, n’acceptent d’ailleurs que les clients disposant d’au moins 1 million d’euros à placer. C’est à ce niveau que les discussions commencent à devenir intéressantes pour eux.

L’assurance-vie : un pilier de la retraite surcomplémentaire

En France, l’assurance-vie joue un rôle central dans la retraite surcomplémentaire. Les assureurs privés ont tout intérêt à préserver ce système, qui leur permet de gérer des capitaux importants. Pour eux, le statut quo en matière de retraite par répartition est avantageux. En effet, maintenir un système obligatoire de retraite par répartition pour les petits revenus leur évite d’avoir à gérer des opérations peu rentables. Les assureurs préfèrent se concentrer sur l’assurance-vie, qui leur permet de gérer des montants conséquents avec une rentabilité bien plus élevée.

Ainsi, les grands financiers et les assureurs s’accommodent très bien du système actuel. Ils savent que leur rentabilité ne vient pas des cotisations des ouvriers ou des petits salariés, mais plutôt des gros portefeuilles et des trésoreries d’entreprise. Par exemple, un gestionnaire de fonds ne gagnera pas d’argent avec les cotisations des ouvriers de Renault, mais il en gagnera avec la trésorerie de l’entreprise ou les placements du patron de Renault.

La logique cynique des financiers

Malheureusement, la logique des financiers est cynique mais implacable : ils s’intéressent aux riches, pas aux pauvres. Les petits épargnants ne représentent pas une source de profit pour eux. Imaginer que des institutions financières comme BlackRock cherchent à « voler » les retraites des petits salariés est une idée fausse.

En réalité, ces institutions n’ont aucun intérêt à gérer des plateformes coûteuses pour des opérations de faible envergure. Elles préfèrent laisser ces tâches à des organismes comme la sécurité sociale, qui s’occupent des retraites de base et des petits montants.

Aujourd’hui, avec les difficultés de recrutement et la complexité croissante de la gestion des retraites, ces métiers peu rentables n’intéressent plus personne. Former des gestionnaires pour s’occuper de petites opérations qui ne rapportent rien n’est pas une priorité pour les grands acteurs financiers.

En résumé, la retraite surcomplémentaire en France repose largement sur l’assurance-vie, un système qui se porte bien en termes de collecte annuelle. Les grands fonds et assureurs privés préfèrent se concentrer sur les gros montants, laissant la gestion des petites retraites à des organismes publics ou parapublics. Ainsi, contrairement à certaines croyances, les financiers ne cherchent pas à « piquer » les retraites des petits salariés. Leur intérêt se porte sur les capitaux importants, tandis que les systèmes de retraite par répartition et complémentaire continuent de fonctionner pour les revenus modestes.


Une réponse à “Les retraites complémentaires Agirc-Arrco: Fonctionnement.”

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